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19/10/2014

Les musulmans, Ben Affleck et le syndrome de Lima.

Cet article a fait l'objet d'une publication sur le site mauvaisenouvelle.fr

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Le syndrome de Lima désigne l’attitude inverse à celle du fameux syndrome de Stockholm. Il affecte le ravisseur qui se met à éprouver de l'empathie pour son otage, et par extension l’agresseur pour sa victime.

 

La récente indignation télévisuelle de Ben Affleck contre le « racisme anti-musulman » est d’autant plus caractéristique de l’égarement où se trouve l’Occident qu’elle est sincère et emprunte des meilleurs sentiments de fraternité humaine. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et le pavement est presque fini ; bienvenue dans l’enfer américain : le monde de 2014 après J-C.

 

Pourquoi l’Islam est-il progressivement devenu un problème depuis la fin de la guerre froide? Ce n’est pas parce qu’il y a plus de musulmans dans le monde; leur part dans la population mondiale - environ 25% - s'est stabilisée depuis 30 ans. Ce n’est pas parce que les musulmans ont changé ; les musulmans n’ont pas changé. Lisez Pierre Loti, voyez les peintures orientalistes du XIXe ou les photographies de la Casbah d’Alger en 1950 ; les femmes sont voilées, souvent intégralement, les hommes sont volontiers barbus, et prient cinq fois par jours. Ce n’est pas parce que l’Islam a changé ; l’Islam n’a pas changé. Les chiites, les sunnites et les autres s’écharpent avec autant d’ardeur depuis peu ou prou la mort de Mahomet.

 

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Ce qui a changé depuis 30 ans, c’est quelque chose qu’on appelle naïvement la mondialisation, qui en réalité désigne un phénomène ultra-violent de colonisation du monde et des esprits, une sorte de rouleau compresseur idéologique dénommé selon les besoins « développement économique », « libre-échange », « droits de l’homme », mais dont la véritable nature est culturelle, un tsunami planétaire  balayant les cultures millénaires, anéantissant les originalités qui font la richesse du monde. Cette « liberté » à marche forcéedes échanges, des idées et des hommes, qui ne profite jamais qu’aux mêmes et fait perdre aux autres jusqu’à leur âme, génère parmi ses multiples conséquences des flux migratoires intercontinentaux comme jamais l’Histoire n’en a connus. Des flux si disproportionnés et artificiels que la mondialisation, telle la créature de Frankenstein, commence à désormais se retourner contre les maîtres qui l'ont engendré.

 

Si vous êtes légitiment choqué par l’Islamisation de l’Europe, soyez le tout autant, et en premier lieu, par l’occidentalisation des pays arabes. Car ce qui se passe ici aujourd'hui n'est que la conséquence de ce qui ce passe là-bas depuis déjà un bon bout de temps. Si la richesse du monde se trouve dans sa diversité, voir se multiplier les mêmes panneaux publicitaires Coca-Cola du Yemen aux plaines d'Anatolie, des hauteurs du Tibet aux villages andins, des rivages du pacifique aux collines de Florence, n’est assurément pas un gain, mais un terrible appauvrissement pour l’humanité.

 

Si vous êtes légitiment choqué par l’Islamisation de l’Europe, soyez le tout autant, et en premier lieu, par l’occidentalisation des pays arabes.

 

Pour que les différentes visions du monde co-existent, pour que les différentes façons d'être Homme puissent être possibles, chacune doit avoir son espace de liberté, d'immunité, de créativité, en un mot son territoire (Ce qui n’empêche pas les échanges, mais au contraire leur donne toute leur valeur!). L’Islam est une façon d’être Homme; ce n’est pas celle de John Wayne ni celle de Ben Affleck. Si les mosquées wahhabites n’ont effectivement rien à faire dans les plaines du Montana ni à Asnières-sur-Seine, John Wayne, Ben Affleck, leurs Levis, leur Big Mac et leur morale wasp, n’ont jamais rien eu à faire en Arabie. Ce qui a changé, c'est l'interpénétration accélérée et dérégulée des cultures et des visions du monde, c'est autant la proportion de musulmans vivant dans les pays occidentaux, que la proportion d'Occident présent dans l'univers des orientaux.

 

En 1951, Claude Lévi-Strauss écrit:

« La lutte contre toutes les formes de discrimination, participe de ce même mouvement qui entraîne l'humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l'honneur d'avoir créer les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d’être capables d’en produire d’aussi évidentes.

 

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"La lutte contre toutes les formes de discrimination, participe de ce même mouvement qui entraîne l'humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l'honneur d'avoir créer les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d’être capables d’en produire d’aussi évidentes."

 

Sans doute nous berçons-nous du rêve que l'égalité et la fraternité règneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l'humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu'elle a su créer dans le passé capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus, sinon même leur négation. Car on ne peut à la fois, se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent. 

Pleinement réussie, la communication intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création. Les grandes époques créatrices furent celles où la communication était devenue suffisante pour que des partenaires éloignés se stimulent, sans être cependant assez fréquente et rapide pour que les obstacles indispensables entre les individus comme entre les groupes s’amenuisent au point que des échanges trop faciles égalisent et confondent leur diversité.» [1]

 

L'Islam n'est pas un problème, Ben, le problème c’est l’obligation qui nous est faite partout sur cette Terre de devoir adorer ton Dieu dollar, de boire ton Coca-cola, de regarder ta télévision, et de rêver à ton prochain Batman. Le problème c’est cette nouvelle Babel dont tu es l'un des éminents édificateurs et que construit jour après jour le capitalisme américain mondialisé à coup d’accords de libre-échange et de productions hollywoodienne, ravageant ainsi l'environnement télévisuel, matériel et spirituel de la planète. Parlez tous globish! Communiquez avec mes smartphones californiens! Regardez tous ma pub! Soyons un village ! Oh, pas un village tamoul, ni dogon, ni provençal, mais plutôt une bonne petite bourgade texane bien de chez nous, avec ses fast food, sa pompe à essence, et ses 3 télés par foyers.

 

 L'Islam n'est pas un problème, Ben, le problème c’est l’obligation qui nous est faite partout sur cette Terre de devoir adorer ton Dieu dollar, de boire ton Coca-cola, de regarder ta télévision, et de rêver à ton prochain Batman.

 

Alors Ben, il y a peut être des gentils musulmans qui jouent au baseball, et des méchants musulmans qui coupent des têtes, mais il y a tout de même l'Islam, et ce dont Islam est devenu le nom au delà des informations du 20h : celui d'une vaste réaction identitaire de la part d'un groupe humain, celui d'un réflexe de survie d'une culture sans doute parmi les plus humiliée par l’américanisation du monde. Le rouleau compresseur marchand et nihiliste occidental qui avait pris l'habitude, au nom du progrès, d'aplatir sans vergogne les reliefs des religions, les "derniers obscurantismes" et autres "entorses à la libre concurrence", se retrouve, avec l'Islam, confronté à une sacrée bosse.

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Et le problème, Ben, c’est que cette cette réaction qui a pour nom Islam, que tes gouvernements successifs croyaient pouvoir circonscrire à quelques régions du monde déclarées à jamais personna non grata à la table de la mondialisation heureuse, la voilà qu'elle s’invite de facto chez nous par le simple truchement de la présence désormais massive des musulmans en occident, de telle sorte que la mondialisation, par un puissant et surprenant retour de balancier, vient ébranler et remettre en cause les fondements mêmes de notre civilisation "judéo-chrétienne".

 

S'il ne veut pas disparaitre entre le marteau Islamiste et l'enclume mondialiste, l'Occident chrétien doit se ressaisir et comprendre, comme l’explique le Père jésuite libanais Samir Khalil Samir, que « Le problème ce n’est pas l’Islam, c’est l’Islam comme système ne s’intégrant pas aux droits de l’Homme »[2] Aux droits de l’homme occidental mondialisé, bien sûr! Celui qui porte des Lévis, boit du Coca et va voir les films de Ben Affleck au cinéma.

 

Alors dis-moi, Ben, pourquoi diable toi et tes amis tenez-vous tellement à ce que tous les hommes de cette Terre partagent votre vision de ce que doit être l’Homme, de ce que doit être une bonne ou une mauvaise action, de ce que doit être un héros ou un super-héros, des valeurs pour lesquelles se battre, vivre et mourir? L'idée ne t'est-elle donc jamais passée par la tête que cela pouvait servir à mieux vendre tes films?

 

Le Scribe


[1] C. Lévi-Strauss. Race et culture, 1951

[2] Père Samir Khalil Samir, Les raisons de ne pas craindre l’Islam, 2007

 

07/10/2014

Morbihan

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Morbihan

Dorment enfin sur les orbes fleuris

les tendres matins d'où la mer a surgi

Qu'y vois-je, qu'y puis-je, moi le contemplateur,

Moi l'insoumis, moi l'orateur ?

Loin de mon cœur les longues traversées,

qui firent de Bérénice la fille de Circé

Il faudra du temps aux amants,

et des larmes au vainqueur,

pour que rêvent les enfants,

et meurent les rancœurs.

 

Le Scribe